Joseph Fraunhofer
16 août 1873 - Paris - 6 rue des écoles. L'éditeur et rédacteur en chef de la revue du progrès médical, Bourneville reçoit un extrait d'un rapport d'experts pharmaciens, biologistes et criminologues qui sera publié dans le moniteur de pharmacie, toute nouvelle revue de spécialité. Selon ces experts (Mialhe, Mayet, Lefort, Cornil) il est possible avec, les dernières avancées de la science, de dire si une tache rouge prélevée sur un échantillon est du sang. Cette démarche n'est pas facile et nécessite non seulement des connaissances en chimie et en microscopie mais également la maîtrise d'une technologie allemande associée à des découvertes sur la lumière : LA SPECTROSCOPIE !
Et la spectroscopie c'est quelque chose de fascinant à l'époque. Celui qui a permis à cette science de se développer c'est lui :
Le rapport avec la spectroscopie, c'est que Fraunhofer, en travaillant avec des prismes et des lentilles a inventé ça !
Et ça c'est un spectroscope. Ça permet de décomposer la lumière d'une source et d'en analyser le spectre. Fraunhofer n'est pas le premier à le faire : en 1802 Wollaston (inventeur du Gallon impérial, opposant au système métrique et découvreur de ce qui plus tard sera identifié comme l'énergie cinétique), Wollaston donc, avait déjà découvert qu'en décomposant la lumière du soleil avec un prisme, on voyait 5 raies noires ! La lumière du soleil n'était donc pas pure ! (fait difficilement accepté par les religieux de l'époque pour qui la création ne pouvait être que parfaite).
Un peu plus tard, en 1752, un écossais mis en évidence l'absorption par le sodium de deux bandes spécifiques quand il est éclairé par une lumière blanche. Mais c'est Fraunhofer qui relia ces deux infos et qui en 1814 comprend que les bandes que ses prismes montrent, reflètent la composition chimique du corps qui émet la lumière ! Fraunhofer par ses expériences identifie huit raies qu'il nomme de A à H. Il identifie la bande A comme celle de l'absorption de l'O2 et la bande D comme étant celle du sodium.
Revenons à Paris en 1873. Le rapport que Bourneville tient entre les mains précise que si on recueille un matériau qui pourrait contenir du sang, qu'on détache le matériau non pas avec de l'eau (hémolyse) mais avec un sérum de Schultze (qui est du liquide amniotique iodé...), et qu'on dilue le tout à l'eau pour obtenir un liquide "eau de pêche" (ça vous donne une idée de la précision scientifique), il est alors possible de placer ce liquide dans un spectroscope. Si le prélèvement contient du sang, le spectroscope va montrer deux raies dans le spectre jaune et vert. Si ensuite on rajoute un agent réducteur, une des bandes va disparaître (celle de l'HbO2).
Pour ceux qui ne disposent pas de spectroscope, les auteurs proposent une deuxième méthode : la cristallographie ! Ils prennent un échantillon à analyser. Ils le mettent sur une lame avec une goutte d'eau et... Du sel marin. Ils rajoutent une deuxième lame et font passer un peu de vinaigre de vin blanc entre les deux, puis sèchent le tout à la flamme. En répétant le cycle plusieurs fois, si l'échantillon contient du sang, des cristaux rhomboïdaux bruns apparaissent.
Enfin, si ces deux méthodes ne sont pas disponibles (petits labos de province), les auteurs proposent un méthode très sensible mais non spécifique : mettre l'échantillon en présence de teinture de Gaïac (provenant de l'écorce d'un buisson tropical, assez peu disponible à l'époque) et de dioxyde d'oxygène (que l'on trouve dans l'eau oxygénée). Si l'échantillon est du sang, mais aussi de la salive, le tout devient bleu.
En lisant tout ça, Bourneville décide de publier cet extrait et ça sera chose faite dans le nº11 du progrès médical du 26 août 1873 p 129 que vous pouvez lire ici :
La version complète du rapport dans sa version publiée dans le moniteur de pharmacie est disponible ici (à ce propos, vous constaterez que ce document est mis gratuitement à disposition en ligne et en format eBook par l’université de Harvard grâce à Google livre. Si je précise ce point c'est pour rappeler à ceux qui sont contre "le pilage de notre patrimoine par Google" que le patrimoine en question ne nous serait pas accessible sans eux. Si vous voulez le lire de façon plus confortable, un QRcode est disponible plus bas.
Et pour terminer quelques bonus (ce compte se nomme après tout histoire et bonus). Avec l'amélioration des techniques, en 1890 Rowland, un américain, répertorie et photographie 15000 raies de Fraunhofer. La numérotation des bandes, bien qu'ayant évolué, suit toujours le système décrit en 1826 (avec 26000 raies en 1990)