1852 - 1870 De l'empirisime à la science

Mise en garde avant lecture. Certains s'en étant étonné, je rappelle que dans les textes de ce blog, vous trouverez des citations de textes anciens qui peuvent choquer. Si vous ne voulez pas connaître l'avis de nos prédécesseurs, le plus simple est de ne pas les lire. 

Napoléon III


Tout bon article sur les histoires de la médecine commence par exposer les faits avant de laisser place à leur interprétation. Mais comme ce blog est avant tout médical, on va faire comme dans nos articles, c’est-à-dire commencer par un abstract, puis la conclusion, puis l'introduction, puis des données un peu éparses, et enfin une deuxième conclusion.

Abstract : ça va être rapide, contrairement à ce qui s'est passé dans les autres pays européens et aux Etats-Unis, la science médicale française ne s'est débarrassée de son approche empirique que dans la seconde moitié du XIXe siècle, sous le règne de Napoléon III (1852-1870). Ce qui est intéressant, c'est de comparer la médecine des années 1850 à celle de 1870, pour voir la brutalité de ce changement.


1873 - Un neuro fait de la rhumato

Jean Charcot


Eté 1873. Charcot (si ce blog était une revue neurologique sérieuse, je devrais insérer ici un symbole typographique signifiant que le lecteur doit respecter une minute de respect en adoptant une posture d'humilité absolue, devant l'évocation du nom DU méta-neurologue), s'intéresse aux déformations articulaires. Comme ça. Sans motif particulier si ce n'est qu'il trouve ça intéressant, et surtout que le sujet est peu ou pas décrit.

Cela peut paraître étonnant pour des symptômes qui existent probablement depuis les débuts de l'humanité, visibles sur les statues antiques ou les peintures de la renaissance, et qui est cité dans la plupart des textes anciens comme un signe évident de vieillesse.

Ce qu'il faut essayer de comprendre, comme dans la plupart des articles sur des histoires de médecine de ce blog, c'est que la période 1870 - 1900, est un moment particulier dans le monde médical en France. Toutes les connaissances anciennes sont remises en cause, et pour la première fois, les professeurs de médecine, partent du principe qu'ils ne savent rien, et que tout doit être décrit, classé et étudié, puis transmis, sans tenir compte des savoirs empiriques.


1873 - Les pshits avant les pshits

Jules Aristide Roger Rengade


Il y a fort fort lointain dans le temps, et fort fort longtemps dans l'espace, les premiers humains rigolaient parfois très fort en inhalant les fumées des certaines plantes qu'ils mettaient au feu. Parfois ils mourraient aussi. Mais dans tous les cas, cela fait des siècles que l'on sait que les fumées ont un effet biologique sur nous. Par contre, ce n'est que vers 1860 que la médecine française a commencé à s'intéresser sérieusement à ce type d'effets, et en particuliers aux possibilités thérapeutiques.

En 1873 le docteur Jules Aristide Roger Rengade (1841 - 1915), publie un petit livre intitulé : "la médecine pneumatique, ses applications au traitement des maladies respiratoires". 


Ce livre résume tout le savoir connu de l'époque dans ce domaine (en bon français on parle de State of Art), ce qui fait quand même 47 pages de 33 lignes en comptant les dessins et la pub. Ah oui point important et  AVERTISSEMENT : ce livre a été entièrement financé par la pharmacie Gelin, 38 rue Rochechouart à Paris, qui accessoirement vend les appareils et produits décrits dans le texte. Vous voilà prévenus. Et inutile de céder à la tentation, la dite pharmacie n'existe plus.

1873 - Constantin Paul invente la morphine sous-cutanée.

Constantin Paul

Dans un billet précèdent, je vous ai raconté l'histoire de Constantin Paul et de ses recherches sur le pouvoir antalgique de…l'eau. Avec nos connaissances, il est facile de le critiquer, mais j'avais rajouté (attention je m'auto-cite, ce qui traduit indiscutablement un début de psychose paranoïaque) :

Si la naïveté de Constantin Paul vous interpelle à une période où on avait déjà découvert les anesthésiques, sachez que sa démarche était ultra scientifique selon les normes de l'époque. Analyser chaque élément d'un traitement, y compris les moyens matériels, était une réaction à l'empirisme qui régnait dans les facs de médecine.


Du coup, pour améliorer sa réputation, voilà comment il a inventé (et pas découvert), la morphine en injection sous cutanées. Nous sommes en 1873. Constantin Paul a 40 ans. Il travaille sur un livre intitulé "Traitement des paralysies rhumatismales de la face par l'électricité (faradisation et galvanisation)", et n'a pas encore publié quoi que ce soit sur le stéthoscope flexible qu'il améliorera vers 1876 (ça c'est pour vous montrer que c'était un bricoleur touche à tout).


Il publie un article (0) dans le : "RÉPERTOIRE de PHARMACIE, recueil pratique rédigé par M. EUG LEBAIGUE et une revue thérapeutique par M. le Dr CONSTATIN PAUL, médecin des hôpitaux, professeur agrégé à la Faculté de médecine, Secrétaire général de la Société thérapeutique". Pour le dire autrement, il publie un article dans sa propre revue.


Avant de décortiquer cet article, petit rappel pour ceux qui n'ont pas encore lu de billets de ce type sur ce blog : le style littéraire de l'époque est parfois surprenant pour nous. Le plan classique introduction, matériel et méthode, résultats, discussion, conclusion, ne 's'est pas encore imposé, et les auteurs écrivent comme s'ils retranscrivaient une conférence. Les idées ne s'enchaînent pas toujours logiquement ,il y'a des passages du coq à l'âne, et souvent des appréciations morales. Ne soyez donc pas surpris.


1840 - Gibert réinvente la dermatologie


Camille-Melchior Gibert


En feuilletant de vieilles revues médicales, on tombe parfois sur des séries d'articles surprenantes dont celle de ce billet, publiée en 1840 concernant la "renaissance" d'un enseignement de dermatologie à Paris. Comme dans le cas du billet précédant sur les cancers en 1836, le fait que cette série soit publiée en 1840 est surtout intéressant parce que la période est celle des grands changements. La première moitié du XIXe siècle dans la médecine française est la période où on bascule doucement de la magie et de l'empirisme vers la science. 


1836 - Cancer et Sang-Dragon


Nicolas-Claude-Joseph Godelle

1836 - Pour situer l'époque, en Amérique le Texas est un pays indépendant, le Mexique obtient son indépendance, l'Australie n'est pas encore une colonie, la France est une monarchie avec à sa tête Louis Philippe (qui sera victime de deux tentatives d'attentats cette année-là), et le futur Napoléon III tente un début de coup d'état à Strasbourg. Tout ça c'est bien loin de nous, mais une chose est plus parlante : en 1836 il y avait déjà une énorme littérature sur la nature et les traitements des cancers. Et ce qu'il y a de plus intéressant, c'est que cette époque (en gros le XIXe siècle post-Napoléonien) est une période de transition entre une médecine faite de magie et une médecine scientifique. Alors pour explorer un peu ça, voici quelques documents d'époque avec des formules de potions qui vont ridiculiser Severus Rogue (ou Snape selon vos affinités).


1872 - Médecine, Opium et Guerre en Chine

Lin Zexu


1873, société savante de pharmacie, Paris. Stanislas Martin, pharmacien parisien auteur de plusieurs études sur les toxiques, d'un livre (Pharmacie du père de famille et conseils de médecine pratique, et inventeur d'une gelée d'huile de foie de morue au goût agréable (1), s'adresse à l'assistance pour leur parler de la Chine. Pour comprendre pourquoi Stanislas Martin parle de la Chine, commençons par une (très) longue parenthèse. Début de la parenthèse : si Stanislas Martin en sait autant sur la Chine , c'est parce qu'aux environs de 1820 un médecin français ayant cherché (et échoué) à faire fortune au Mexique , se marie avec une chinoise vivant à San Francisco. Le couple a un enfant et s'installe à Canton quelques années plus tard. Le garçon, prénommé Eusèbe, veut devenir lettré. Lettré en chine à cette époque est un titre et un statut permettant d'une part d'avoir le droit de devenir mandarin, et d'autre part de porter un épithète adjoint à nom de famille ainsi qu'une coiffure spécifique. Vous verrez plus tard le lien entre ce franco-chinois et Martin, mais ce lien permet (à Martin) d'en apprendre beaucoup sur la chine de l'époque. Il publie une partie de ce savoir dans un court document (2) que je vais vous résumer.


1844 - 1952 La découverte des cytochromes


Charles MacMunn


Les cytochromes sont de l'anti-herbe à chat pour médecins. Organisez une réunion dans laquelle vous placez ce mot dans le titre et vous avez la certitude que tout ce qui d'une façon ou d'une autre a un diplôme médical décline l'invitation en invoquant l'impérieuse nécessité de vérifier le taux d'hygrométrie de son frigo. Ne mentionnez pas ce mot dans le titre mais prononcez le au cours de la réunion, et instantanément, les médecins s'effondreront, parfois avec des traumatismes faciaux graves, dans un coma Glasgow 3 (pour la bonne et simple raison que le score de 0 n'est pas possible). Bref, c'est le repoussoir ultime, le truc que pas un médecin ne voudrait prendre à ceux qui sont supposés maitriser le sujet : les pharmaciens. Sachant que l'effet est également valable à l'écrit, je ne doute pas qu'à partir de maintenant, je suis le seul diplômé de médecine encore présent virtuellement devant ce texte, les autres ayant fermé leur navigateur et blacklisté mon blog. Alors pour ceux qui restent, vous allez voir que c'est assez intéressant, même s'il faut s'accrocher un peu par moments. Dernier détail, n'ayant aucune compétence en pharmacologie, soyez indulgents, si vous repérez une erreur faites le moi savoir sans me jeter des pierres. Je vous propose ici l'histoire de leur découverte. Ce billet peut se lire seul, mais sachez qu'il n'est que l'introduction d'une série de billets de pharmacologie qui seront publiés sur l'autre blog (EtUnPeuDeNeurologie).


1872 - L'eau antalgique

Constantin Paul



Pour les adeptes de l'homéopathie qui n'en supportent pas les effets secondaires ou qui sont diabétiques, ou encore pour ceux qui se demandent si la particule princeps noyée dans l'eau est bio et qui n'ont pas de réponse, et qui du coup angoissent, sachez qu'en 1872, Constantin Paul avait une solution scientifique. Pour les douleurs en tout cas.

1873 - L'oxygénothérapie



Carl Wilhelm Scheele

L'oxygène, en dehors du fait qu'il est présent à hauteur de 20% dans l'air ambiant, a une deuxième caractéristique inconnue du grand public : il sort spontanément sans aucune intervention humaine de petits orifices astucieusement placés par mère nature au dessus des têtes de lits des patients hospitalisés. Tout médecin sait qu'il existe des sources magiques dans les murs, et que les gaziers, en raison de leurs nombreuses années d'études, sont capables de générer des sources magiques portables. En fait certains spécialistes pensent que cet oxygène vient de quelque part, et plus particulièrement de grosses réserves situées dans les sous-sols des hôpitaux, mais comme aucun médecin n'y a jamais mis les pieds, cela semble être une légende urbaine.

Cependant, en 1873, il était impossible de passer à côté des machines permettant la synthèse et inhalation de l'O2 (il état par contre tout à fait possible de passer à coté de l’intérêt que ce gaz pouvait avoir en médecine comme vous allez le voir).



1873 - Les taches de sang et les technologies futuristes

Joseph Fraunhofer

16 août 1873 - Paris - 6 rue des écoles. L'éditeur et rédacteur en chef de la revue du progrès médical, Bourneville reçoit un extrait d'un rapport d'experts pharmaciens, biologistes et criminologues qui sera publié dans le moniteur de pharmacie, toute nouvelle revue de spécialité. Selon ces experts (Mialhe, Mayet, Lefort, Cornil) il est possible avec, les dernières avancées de la science, de dire si une tache rouge prélevée sur un échantillon est du sang. Cette démarche n'est pas facile et nécessite non seulement des connaissances en chimie et en microscopie mais également la maîtrise d'une technologie allemande associée à des découvertes sur la lumière : LA SPECTROSCOPIE !